From now on

Electroencephalogramme

J’ai fini par être hospitalisée. Le soir même de mon dernier écrit sur ce journal.

Un jour de télétravail, après le bain de Tori, Josh m’a trouvé dans une position extrêmement bizarre, avec Tori dans les bras. Il a rapidement compris que quelque chose clochait sévèrement.
Il l’a posé dans son parc et m’a allongé par terre. Ensuite, il a eu la peur de sa vie.
Je me suis mise à convulser sur le sol, les yeux révulsés. Je poussais des cris stridents. Tori pleurait. Ma mâchoire était serrée.
Quand j’ai fini par arrêter, il a eu le sentiment que je ne respirais plus
Paniqué, il m’a fait un massage cardiaque. Enfin, je suis revenue à moi.
Mais, je ne savais plus rien. Ou j’étais, qui j’étais, la date du jour,...

Je ne me souviens de rien de cet épisode. Pour moi, je suis allée dans le salon avec une Tori fatiguée par son bain dans les bras pour prendre sa tutute et je me suis réveillée avec 3 pompiers au dessus de moi, le visage de Josh inquiet, Tori dans ses bras avec sa petite bouche ouverte de curiosité. Ils m’ont demandé quel jour nous étions, ce que je me souvenais avoir fait. J’ai vu mon PC de boulot, encore ouvert sur la table du séjour. J’ai compris qu’il s’était passé quelque chose...mais c’était un trou noir.
Si je croyais un tant soit peu à une vie après la mort, je suis maintenant sûre que non. Il n’y a rien. Il s’est écoulé 15 minutes qui m’ont paru être un battement de cils.

Ils m’ont embarqué dans leur camion toutes sirènes allumées et conduite à l’hôpital. Juste eu le temps d’envoyer un SMS à la fille de la Présidente pour lui dire de ne pas m’attendre le lendemain matin pour notre rdv.
Tout ce à quoi j’ai pensé pendant ce trajet, c’était que j’avais Tori dans les bras, j’avais peur d’avoir chuté avec elle.
"Ne vous inquiétez pas, votre conjoint a géré." M’a affirmé la pompier.

Je n’ai appris tout cela que bien plus tard, à l’occasion d’un rendez-vous avec le neurologue durant lequel il lui a été demandé de relater les évènements qui ont conduit à mon hospitalisation.

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Je viens d’apprendre le décès du bébé de 15 mois d’une fille que je suis depuis une éternité sur Insta.
Ça m’a fait un choc. Elle avait posté y a 3 semaines que son bébé était en soins intensifs et ne donnait plus aucun signe depuis. J’avais un mauvais pressentiment. Elle a fini par annoncer son décès car tout le monde s’inquiétait. J’allais voir son compte quasiment tous les jours dans l’espoir d’avoir une bonne nouvelle.
Je m’étais tellement identifiée et projetée quand elle a déménagé, été enceinte, ses débuts dans l’allaitement, la DME… C’est un des rares comptes insta que je suis que j’ai montré à Josh.
J’arrête pas d’y penser. J’ai parcouru son fil de photos avec un sentiment d’injustice et de vulnérabilité. Je n’arrête pas d’avoir le visage de son bébé devant les yeux avec ses 4 petites dents...et je ne peux pas croire que tout se soit arrêté aussi vite pour leur famille. Ça me rappelle la fugacité de la vie. Rien n’est jamais acquis. C’est angoissant.

C’est chiant ces angoisses de tout et de rien. J’avais pas ça avant. Je ne sais pas d’où ça sort.
Oprah m’a fait remarquer que c’étaient des angoisses inutiles car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. J’ai aucun contrôle sur ça. Elle a raison.
Il faut juste que je vive le moment présent. Que je lâche prise. Ne pas penser au futur, à tout ce qui pourrait ou ne pourrait pas se passer...
Certains ressassent le passé, moi, je vais toujours de l’avant mais parfois (souvent), je vois un peu trop loin.
Je fais des plans sur la comète qui servent à rien parce qu’il se passe toujours un truc qui vient contrecarrer mes ambitions.

Bref, depuis cette nouvelle, je me sens mal. C’est trop imprévisible pour une fille comme moi, qui prévoit tout à l’avance. En même temps, je pourrais me faire écraser par un arbre qui tombe au moment où je passe ou je ne sais quoi. Je n’ai pas developpé l’angoisse de marcher près des arbres pour autant (du moins, pas encore !).
En plus, ce qui participe à ce sentiment de malaise, c’est qu’elle ne s’étale pas exactement sur les circonstances (ce que je peux mille fois comprendre hein mais j’ai le sentiment que si je savais ce qui s’était passé et que je pouvais me dire "ok, ça ne m’arrivera pas à moi parce que...", je me sentirais mieux).
Je ne sais pas comment on peut se relever d’une telle épreuve...Je pense à toutes les affaires qu’elle a du ranger, la chambre vide.
J’éprouve un immense sentiment d’empathie. Je sais pas si ce sont les hormones mais ce trop-plein d’émotions est difficile à canaliser.
Je n’arrive pas à me détacher de cette histoire.

Pour en revenir à nos moutons, tout cela a fait écho à mon hospitalisation. Josh a vécu un moment très difficile. Il a cru me perdre. Quand je suis rentrée à la maison, il ne m’a plus lâché d’une semelle. Il me disait qu’il entendait encore mon râle avant de faire le massage cardiaque.

Et, il a réalisé à quel point j’avais tiré encore et encore sur la corde. Le médecin lui a à nouveau rappelé que j’avais besoin de repos. De VRAI repos.
Pas juste de faire une petite sieste par-ci par-là pour essayer d’enchaîner. Mon corps était au bout du rouleau.

J’ai été arrêté 15 jours.

Josh a passé la première semaine à faire une petite partie de ce que je prenais en charge. Ensuite, j’ai repris les rennes sur pas mal de trucs (les courses, les commandes de trucs de bébé, couches, petits pots, rdv pédiatre et compagnie)
Hier, il m’a avoué qu’il en avait marre de ne rien pouvoir faire pour lui, de faire des tâches en boucle. Il sature.
Mais, je ne suis pas sûre qu’il comprenne qu’on doit s’épauler...Il revient toujours au même sujet en boucle.
"Mais les mamans là, y en a plein qui sont mères célibataires...et puis, les femmes font ça depuis des millénaires...comment ça se fait que nous on y arrive pas ?
- On y arrive. C’est juste qu’il faut faire un choix dans ses priorités. Demande à des mères qui enchaînent avec le boulot, qui ont un travail prenant, pas de famille à proximité...Elles font des choses au détriment d’autres, c’est tout."

Après cet épisode, je me suis beaucoup questionnée sur mon job.

Ça fait quand même un sacré bout de temps que j’ai plus la motivation. J’ai changé de boîte en 2019. C’était challengeant. Moi qui me plaignais de m’ennuyer sans cesse, je me retrouvais avec des responsabilités. Sans doute un peu trop pour mes épaules.

Y a eu le COVID et depuis, j’ai plus envie. Pourtant, même s’il y a des tâches redondantes, aucune journée ne se ressemble. Mais, il faut le dire, j’ai un job stressant ou on me demande trop souvent l’impossible.

Hier, j’ai bossé, à mon initiative, sur une présentation à diffuser sur les écrans. J’ai pas vu le temps passer. C’est ça que j’aime faire.
Je crois que, finalement, je ne suis pas faite pour être une exécutante. Au cas où j’avais encore des doutes...j’aime créer.
Je ne sais pas pourquoi je ne me suis pas orientée dans cette direction.